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LES NUITS DU RAMAZAN.

Quant à Soliman, après avoir ajourné ses répliques, il s’efforça de détourner de sa personne l’entretien qu’il y avait si souvent amené.

— Votre sérénité, dit-il à la reine Balkis, possède là un bien bel oiseau, dont l’espèce m’est inconnue.

En effet, six négrillons vêtus d’écarlate, placés aux pieds de la reine, étaient commis aux soins de cet oiseau, qui ne quittait jamais sa maîtresse. Un de ses pages le tenait sur son poing, et la princesse de Saba le regardait souvent.

— Nous l’appelons Hud-Hud[1], répondit-elle. Le trisaïeul de cet oiseau, qui vit longtemps, a été autrefois, dit-on, rapporté par des Malais, d’une contrée lointaine qu’ils ont seuls entrevue et que nous ne connaissons plus. C’est un animal très-utile pour diverses commissions aux habitants et aux esprits de l’air.

Soliman, sans comprendre parfaitement une explication si simple, s’inclina comme un roi qui a dû tout concevoir à merveille, et avança le pouce et l’index pour jouer avec l’oiseau Hud-Hud ; mais l’oiseau, tout en répondant à ses avances, ne se prêtait pas aux efforts de Soliman pour s’emparer de lui.

— Hud-Hud est poëte,… dit la reine, et, à ce titre, digne de vos sympathies… Toutefois, elle est comme moi un peu sévère, et souvent elle moralise aussi. Croiriez-vous qu’elle s’est avisée de douter de la sincérité de votre passion pour la Sulamite ?

— Divin oiseau, que vous me surprenez ! répliqua Soliman.

— « Cette pastorale du Cantique est bien tendre assurément, disait un jour Hud-Hud, en grignotant un scarabée doré ; mais le grand roi qui adressait de si plaintives élégies à la fille du pharaon sa femme, ne lui aurait-il pas montré plus d’amour en vivant avec elle, qu’il ne l’a fait en la contraignant d’habiter loin de lui dans la ville de Daoud, réduite à charmer les jours

  1. La huppe, oiseau augural chez les Arabes.