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LES NUITS DU RAMAZAN.

ront de fourvoyer le goût des poëtes pendant dix mille ans. Instruite à vos leçons, la Sulamite ne comparait-elle pas votre chevelure à des branches de palmier, vos lèvres à des lis qui distillent de la myrrhe, votre taille à celle du cèdre, vos jambes à des colonnes de marbre, et vos joues, seigneur, à de petits parterres de fleurs aromatiques, plantés par les parfumeurs ? De telle sorte que le roi Soliman m’apparaissait sans cesse comme un péristyle, avec un jardin botanique suspendu sur un entablement ombragé de palmiers.

Soliman sourit avec un peu d’amertume ; il eût avec satisfaction tordu le cou de la huppe, qui lui becquetait la poitrine à l’endroit du cœur avec une persistance étrange.

— Hud-Hud s’efforce de vous faire entendre que la source de la poésie est là, dit la reine.

— Je ne le sens que trop, répondit le roi, depuis que j’ai le bonheur de vous contempler. Laissons ce discours ; ma reine fera-t-elle à son serviteur indigne l’honneur de visiter Jérusalem, mon palais, et surtout le temple que j’élève à Jéhovah sur la montagne de Sion ?

— Le monde a retenti du bruit de ces merveilles ; mon impatience en égale les splendeurs, et c’est la servir à souhait que de ne point retarder le plaisir que je m’en suis promis.

À la tête du cortège, qui parcourait lentement les rues de Jérusalem, il y avait quarante-deux tympanons faisant entendre le roulement du tonnerre ; derrière eux venaient les musiciens vêtus de robes blanches et dirigés par Asaph et Idithme ; cinquante-six cymbaliers, vingt-huit flûtistes, autant de psaltérions, et des joueurs de cithare, sans oublier les trompettes, instrument que Gédéon avait mis jadis à la mode sous les remparts de Jéricho. Arrivaient ensuite, sur un triple rang, les thuriféraires, qui, marchant à reculons, balançaient dans les airs leurs encensoirs, où fumaient les parfums de l’Iémen. Soliman et Balkis se prélassaient dans un vaste palanquin porté par soixante et dix Philistins conquis à la guerre…