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APPENDICE.

tion, cette autre forme de l’esclavage, comme une lèpre la société européenne, en attaquant la dignité humaine, et en repoussant du sein de la religion, ainsi que les catégories établies par la morale, de pauvres créatures, victimes souvent de l’avidité des parents ou de la misère. Veut-on se demander, en outre, quelle position notre société fait aux bâtards, qui constituent environ le dixième de la population ? La loi civile les punit des fautes de leurs pères en Les repoussant de la famille et de l’héritage. Tous les enfants d’un musulman, au contraire, naissent légitimes ; la succession se partage également entre eux.

Quant au voile que les femmes gardent, on sait que c’est une coutume de l’antiquité que suivent en Orient les femmes chrétiennes, juives ou druses, et qui n’est obligatoire que dans les grandes villes. Les femmes de la campagne et des tribus n’y sont point soumises ; aussi les poëmes qui célèbrent les amours de Keïs et Leila, de Khosrou et Schiraï, de Gemil et Schamba et autres ne font-ils aucune mention des voiles ni de la réclusion des femmes arabes. Ces fidèles amours ressemblent, dans la plupart des détails de la vie, à ces belles analyses de sentiment qui ont fait battre tous les cœurs jeunes depuis Daphnis et Chloé, jusqu’à Paul et Virginie.

Il faut conclure de tout cela que l’islamisme ne repousse aucun des sentiments élevés attribués généralement à la société chrétienne. Les différences ont existé jusqu’ici beaucoup plus dans la forme que dans le fond des idées ; les musulmans ne constituent en réalité qu’une sorte de secte chrétienne ; beaucoup d’hérésies protestantes ne sont pas moins éloignées qu’eux des principes de l’Évangile. Cela est si vrai, que rien n’oblige une chrétienne qui épouse un Turc à changer de religion. Le Coran ne défend aux fidèles que de s’unir à des femmes idolâtres, et convient que, dans toutes les religions fondées sur l’unité de Dieu, il est possible de faire son salut.

C’est en nous pénétrant de ces justes observations et en nous dépouillant des préjugés qui nous restent encore, que nous fe-