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VOYAGE EN ORIENT.

elles viennent généralement de l’Abyssinie, et les Égyptiens riches et ceux de la classe moyenne en font l’acquisition ; leur peau est d’un brun foncé ou bronzée. D’après leurs traits, elles semblent être d’une race intermédiaire entre les nègres et les blancs, mais elles diffèrent notablement de ces deux races. Elles-mêmes croient qu’il y a si peu de différence entre leur race et celle des blancs, qu’elles se refusent obstinément à remplir les fonctions de servante et à être soumises aux épouses de leur maître.

Les négresses, à leur tour, ne veulent pas servir les Abyssiniennes ; mais elles sont toujours très-disposées à servir les femmes blanches. La plupart des Abyssiniennes ne viennent point directement de l’Abyssinie, mais du territoire des Gallas, qui en est voisin ; elles sont généralement belles. Le prix moyen d’une de ces filles est de deux cent cinquante à trois cent soixante-quinze francs, si elle est passablement belle : il y a quelques années, on en donnait plus du double.

Les voluptueux de l’Égypte font grand cas de ces femmes ; mais elles sont si délicates, qu’elles ne vivent pas longtemps et qu’elles meurent presque toutes de consomption. Le prix d’une esclave blanche est assez ordinairement du triple et jusqu’à dix fois autant que celui d’une Abyssinienne ; celui de la négresse n’est que de la moitié ou des deux tiers ; mais ce prix augmente considérablement, si elle est bonne cuisinière. Les négresses sont généralement employées comme domestiques.

Presque tous les esclaves se convertissent à l’islamisme ; mais ils sont rarement fort instruits des rites de leur nouvelle religion, et encore moins de ses doctrines. La plupart des esclaves blanches qui, dans les premiers temps, se trouvaient en Égypte, étaient des Grecques ayant fait partie du grand nombre de prisonniers faits sur le malheureux peuple grec par les armées turques et égyptiennes sous les ordres d’Ibrahim-Pacha. Ces infortunés, parmi lesquels se trouvaient des enfants qui savaient à peine marcher, furent impitoyablement vendus en Égypte. On s’aperçoit de l’appauvrissement des classes élevées