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APPENDICE.

fait en personne, vint au secours du malheureux, mais ce fut en ordonnant au plus riche habitant du village de lui donner une vache.

Quelquefois, une jeune famille est une charge insupportable pour de pauvres parents ; il n’est donc pas très-rare de voir des enfants qu’on offre à vendre ; ces offres se font par la mère elle-même, ou par quelque femme que le père en a chargée ; mais il faut que la misère de ces pauvres gens soit extrême. Si, à sa mort, une femme laisse un ou plusieurs enfants non sevrés, et si le père ou les autres parents sont trop pauvres pour se procurer une nourrice, on met les enfants en vente, ou bien on les expose à la porte d’une mosquée lorsque la foule s’y trouve assemblée pour la prière du vendredi, et il arrive, généralement, que quelqu’un, en voyant ce pauvre être ainsi exposé, est saisi de compassion, qu’il l’emporte pour l’élever dans sa famille, non comme esclave, mais comme enfant adoptif ; si cela n’a pas lieu, on le confie à quelque personne, jusqu’à ce qu’un père ou une mère d’adoption puisse être découvert.

Il y a quelque temps qu’une femme offrit à une dame un enfant né depuis peu de jours, et que cette femme prétendait avoir trouvé à la porte d’une mosquée. La dame lui dit qu’elle était disposée à l’élever pour l’amour de Dieu, dans l’espoir que son unique enfant, qu’elle chérissait, serait garanti de tout mal, en récompense de cet acte de charité ; en même temps, elle mit dix piastres, équivalant alors à deux francs cinquante centimes, dans la main de la femme ; mais celle-ci refusa le cadeau. Cela prouve néanmoins que l’on fait quelquefois un objet de trafic des enfants, et que ceux qui les achètent en peuvent faire des esclaves ou les revendre. Un marchand d’esclaves m’a dit, et d’autres personnes m’ont confirmé le fait, qu’on lui avait remis pour les vendre plusieurs jeunes filles, et cela, de leur propre consentement. On les décidait en leur faisant le tableau des riches habillements et des objets de luxe qu’on leur donnerait ; on les instruisait à dire qu’elles étaient étrangères,