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VOYAGE EN ORIENT.

ment, tandis que le paysage et la nature morte dominaient avec uniformité.

Il y avait là cinq ou six cents tableaux encadrés de noir, qui pouvaient se diviser ainsi : tableaux de religion, batailles, paysages, marines, animaux. Les premiers consistaient dans la reproduction des mosquées les plus considérables de l’empire ottoman ; c’était purement de l’architecture avec tout au plus quelques arbres faisant valoir les minarets. Un ciel d’indigo, un terrain d’ocre, des briques rouges et des coupoles grises, voilà jusqu’où s’élevaient ces peintures peu variées, tyrannisées par une sorte de convention hiératique. Quant aux batailles, l’exécution en était gênée singulièrement par l’impossibilité établie par le dogme religieux de représenter aucune créature vivante, fût-ce un cheval, fût-ce un chameau, fût-ce même un hanneton. Voici comment s’en tirent les peintres musulmans : ils supposent le spectateur extrêmement éloigné du lieu de la lutte ; les plis de terrain, les montagnes et les rivières se dessinent seuls avec quelque netteté ; le plan des villes, les angles et les lignes des fortifications et des tranchées, la position des carrés et des batteries sont indiqués avec grand soin ; de gros canons faisant feu et des mortiers d’où s’élance la courbe enflammée des bombes animent le spectacle et représentent l’action. Quelquefois, les hommes sont marqués par des points. Les tentes et les drapeaux indiquent les nationalités diverses, et une légende inscrite au bas du tableau apprend au public le nom du chef victorieux. Dans les combats de mer, l’effet devient plus saisissant par la présence des navires, dont la lutte a relativement quelque chose d’animé ; le mouvement de ces tableaux gagne aussi beaucoup d’effet, grâce à certains groupes de souffleurs et d’amphibies qu’il est permis de rendre spectateurs des triomphes maritimes du croissant.

Il est, en effet, assez singulier de voir que l’islamisme permet seulement la représentation de quelques animaux rangés dans la classe des monstres. Telle est une sorte de sphinx dont on