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DE PARIS À CYTHÈRE.

— Mais, conducteur, nous voilà sur la terre et nous sautons presque autant.

— Monsieur, je ne m’aperçois pas… C’est que le cheval est au trot,

— Le cheval ?

— Oui, oui ; mais nous allons en prendre un autre pour la montée.

À cette délibération, je frémis…

— Au fond, qu’est-ce que c’est donc que la Chalonaise ?

— Oh ! elle est bien connue ; c’est la première voiture de la France.

— La plus ancienne ?

— Précisément.

Au relais suivant, je descends pour examiner la Chalonaise, cette œuvre de haute antiquité. Elle était digne de figurer dans un musée, auprès des fusils à rouet, des canons à pierre et des presses en bois : la Chalonaise est peut-être aujourd’hui la seule voiture de France qui ne soit pas suspendue.

Alors, tu comprends le reste ; ne trouver de repos qu’en se suspendant momentanément aux lanières de l’impériale, prendre sans cheval une leçon de trot de trente-six heures, et finir par être déposé proprement sur le pavé de Chalon à deux heures du matin, par un des plus beaux orages de la saison.

— Le bateau à vapeur part à cinq heures du matin.

— Fort bien.

Aucune maison n’est ouverte. Est-il bien sûr que ce soit là Chalon-sur-Saône ?… Si c’était Châlons-sur-Marne !… Non, c’est bien le port de Chalon-sur-Saône, avec ses marches en cailloux, d’où l’on glisse agréablement vers le fleuve ; les deux bateaux rivaux reposent encore, côte à côte, en attendant qu’ils luttent de vitesse ; il y en a un qui est parvenu à couler bas son adversaire tout récemment. Nous demandons qu’il passe à l’état de vaisseau de guerre, et qu’on l’envoie en Orient.

Déjà le pyroscaphe se remplit de gros marchands, d’Anglais,