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lorely.

couleur de marbre blanc et noir, et sur la muraille même les statues des empereurs sont figurées en trompe-l’œil, à dater, je crois, du grand Witikind jusqu’à feu l’empereur François, que pourtant Napoléon a réduit à n’être plus qu’empereur d’Autriche, et non d’Allemagne. Ce qu’il y a de merveilleux, c’est que la salle ne contenant, en effet, que trente-deux niches, l’empire a fini juste au trente-deuxième empereur. On parle de gagner sur l’épaisseur de mur une trente-troisième niche pour le César actuel ; mais nous sommes certains que l’empereur d’Autriche se refusera à cette plaisanterie de mauvais goût. Il n’y a plus de César au monde, et Napoléon lui-même n’en a été que le fantôme éblouissant !

La Diète germanique ne se tient pas à l’hôtel de ville, mais dans le palais du prince de la Tour et Taxis, le souverain des postes féodales de la Confédération, et de plusieurs journaux également féodaux ; le président perpétuel de la Diète est, en ce moment, M. de Bellinghausen. Nous rencontrâmes souvent ce personnage considérable, soit dans les fêtes où il accompagne souvent une jeune personne charmante, qui, je crois, est sa fille, soit au théâtre, où l’on représentait alors une tragédie composée par son neveu le baron de Bellinghausen, connu dans la littérature sous le nom plébéien de Frédéric Hahn.

Cette pièce, intitulée Griseldis obtenait, d’ailleurs, un succès immense sur tous les théâtres d’Allemagne, et nous eûmes beaucoup de peine à nous procurer une loge, car toutes appartiennent à des souscripteurs assidus, et ce fut la famille Rothschild qui nous permit d’occuper l’une des siennes. Je me tais, du reste, sur l’accueil qui fut fait partout à mon compagnon de voyage et à moi par contre-coup, ayant l’habitude prudente de ne point parler des relations de société, si bienveillantes et si charmantes pour les Français dans toute l’Allemagne. Je dois cette précaution à un mot que j’ai entendu dire à une grande dame de Vienne qui parlait du prince Puckler-Muskau : « C’est un homme très-dangereux, disait-elle, c’est un homme qui