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LES NUITS DU RAMAZAN.

précieuses. Elle offrit aussi au monarque cent vingt talents d’or fin.

Soliman était alors au retour de l’âge ; mais le bonheur, en gardant ses traits dans une perpétuelle sérénité, avait éloigné de son visage les rides et les tristes empreintes des passions profondes ; ses lèvres luisantes, ses yeux à fleur de tête, séparés par un nez comme une tour d’ivoire, ainsi qu’il l’avait dit lui-même par la bouche de la Sulamite, son front placide, comme celui de Sérapis, dénotaient la paix immuable et l’ineffable quiétude d’un monarque satisfait de sa propre grandeur. Soliman ressemblait à une statue d’or, avec des mains et un masque d’ivoire.

Sa couronne était d’or et sa robe était d’or ; la pourpre de son manteau, présent d’Hiram, prince de Tyr, était tissée sur une chaîne en fil d’or ; l’or brillait sur son ceinturon et reluisait à la poignée de son glaive ; sa chaussure d’or posait sur un tapis passementé de dorures ; son trône était fait en cèdre doré.

Assise à ses côtés, la blanche fille du matin, enveloppée d’un nuage de tissus de lin et de gazes diaphanes, avait l’air d’un lis égaré dans une touffe de jonquilles. Coquetterie prévoyante, qu’elle fit ressortir davantage encore en s’excusant de la simplicité de son costume du matin.

— La simplicité des vêtements, dit-elle, convient à l’opulence et ne messied pas à la grandeur.

— Il sied à la beauté divine, repartit Soliman, de se confier dans sa force, et à l’homme défiant de sa propre faiblesse, de ne rien négliger.

— Modestie charmante, et qui rehausse encore l’éclat dont brille l’invincible Soliman… l’Ecclésiaste, le sage, l’arbitre des rois, l’immortel auteur des sentences du Sir-Hasirim, ce cantique d’amour si tendre… et de tant d’autres fleurs de poésie.

— Eh quoi ! belle reine, repartit Soliman en rougissant de plaisir, quoi ! vous auriez daigné jeter les yeux sur… ces faibles essais !

— Vous êtes un grand poète ! s’écria la reine de Saba.