Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/100

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Moniteur celui de mesures, ce qui étendait l’éloge au meurtre du duc d’Enghien. Fontanes alla au Moniteur et, repoussant la complicité morale qu’il aurait acceptée par cette louange, il exigea un erratum et l’obtint[1].

À la même époque, un ministre écrivait à M. Suard pour lui insinuer qu’il serait utile de « redresser l’opinion publique qui tendait à s’égarer sur un acte récent ». M. Suard, qui jusque-là n’avait point fait preuve d’un grand stoïcisme, adressa au ministre une lettre remarquable, dans laquelle il disait : « L’âge qui commence à roidir mes membres n’a pas assoupli ma conscience, et je ne chercherai certainement pas à redresser une opinion que je partage. » Nous citons ces traits pour l’honneur de la littérature de l’empire en particulier, et à la gloire de la république des lettres en général ; ils rappellent le beau mot de Sénèque après le meurtre d’Agrippine : « Il est plus facile de commettre un parricide que de le justifier. » Il est d’autant plus nécessaire de rappeler de pareils faits, qu’ils restèrent inconnus de presque tous les contemporains. Le courage était discret dans ce temps-là et parlait tout bas, alors même qu’il parlait avec fermeté, devant cette grande fortune que personne ne voulait ébranler, et ce génie que tout le monde admirait, tandis que les voix approbatrices étaient bruyantes. Le blâme prenait la forme d’une confidence, et toutes les paroles publiques étaient louangeuses ; de là l’aspect de l’é-

  1. Le mot de mesures fut supprimé, le mot de lois reparut.