Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/138

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important. Condillac croyait l’âme purement passive ; M. de la Romiguière enseignait qu’en outre elle était active, et, tandis que son premier maître voyait dans la sensation l’origine et la cause de l’idée, il pensait, lui, qu’elle n’en est que l’origine, la matière, et que l’activité intelligente, dont le premier mode est l’attention, en est la cause productrice. On voit que cette doctrine, quoique insuffisante et incomplète, est sur le chemin de la grande réserve que faisait Leibnitz contre le célèbre aphorisme de l’école : Nihil est in intellectu quod non prius fuerit in sensu, quand il répondait : Nisi intellectus ipse.

C’est ainsi que, sous l’empire, qui était le règne de la force, plus maîtresse d’elle-même que la force révolutionnaire, d’une force organisée, mais cependant de la force physique encore, on remontait peu à peu, dans les hautes sphères philosophiques, la pente d’un sensualisme qui s’épurait. Mais ces travaux n’arrivaient point encore à la généralité des esprits, qui étaient toujours sous l’empire de la philosophie sensualiste de Condillac, à laquelle correspondait, dans la société, la morale des intérêts, modifiée seulement par le stoïcisme militaire, comme elle l’avait été sous la république par le stoïcisme révolutionnaire, ainsi qu’il arrive dans les situations nouvelles où les générations agissent sous l’empire d’une espèce de fièvre qui leur fait accomplir des choses prodigieuses, tant que leur idéal n’est pas complétement atteint ou manqué.