Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/140

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déjà arrivée à l’âge d’homme en 89[1], accueillit avec un vif enthousiasme les espérances de progrès et même de régénération dont tous les esprits étaient alors charmés. Il était né d’une famille janséniste et dans un village où l’école de Port-Royal avait traditionnellement conservé son ascendant : de là, sans doute, ce mélange piquant de gravité et d’indépendance, de simplicité de mœurs et de force intellectuelle et cette alliance d’un caractère d’opposition avec une conduite austère dont il est impossible de ne pas être frappé. Il a lui-même signalé cette tendance de son esprit à l’opposition : « On est heureux de trouver établies en soi-même, disait-il un jour[2] à la chambre des députés, les opinions qui semblent destinées à prévaloir ; je n’ai eu ce bonheur à aucune époque de notre longue révolution. » Venu à Paris en 1787, pour être initié aux luttes du barreau sous l’illustre Gerbier, il fut donc dans ces nobles espérances mêlées d’illusions et dans le mouvement d’opposition qui précédèrent 1789, et il pensait, à l’aurore de la révolution, que la prépondérance donnée aux assemblées sur la royauté, l’avénement du tiers qui croyait n’être rien et demandait à être tout, et la reconstitution rationnelle de la société française, pouvaient porter la France au plus haut degré de prospérité, de liberté et de gloire. Les mécomptes arrivèrent pour M. Royer-Collard comme pour tant d’autres. Cependant il

  1. Il était né en 1760.
  2. Chambre des députés, séance du 15 mars 1816.