Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/153

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pierres angulaires de la vérité révélée, il s’arrête en disant franchement « J’ignore. » À ce point de vue, la philosophie de M. Royer-Collard a quelque chose de profondément conforme au christianisme, parce qu’elle admet qu’il y a des vérités essentielles, qu’on croit invinciblement sans pouvoir les établir par le raisonnement.

Cette haute vérité est l’âme même de sa doctrine. Ce n’est pas une fois seulement qu’elle est exprimée, elle revient sans cesse, et toutes les fois qu’il arrive à une de ces frontières de l’esprit humain, auxquelles les sages s’arrêtent avec respect et que les téméraires entreprennent en vain de franchir. « La loi de la pensée, dit-il excellemment[1], qui fait sortir le moi de la conscience de ses actes, est la même qui, par le ministère et l’artifice de l’induction, fait sortir la substance matérielle de la perception de ses qualités. Aucune loi ne lui est antérieure ; elle agit dans la première opération de l’entendement : par elle seule naissent toutes les existences. L’analyse s’y arrête comme à une loi primitive de la croyance humaine. Si nous étions capables de remonter plus haut, nous verrions les choses en elles-mêmes, nous saurions tout. Quand on se révolte contre les faits primitifs, on méconnaît également la constitution de notre intelligence

  1. Royer-Collard. — Discours d’ouverture de troisième année, publié dans les Œuvres complètes de Reid, 4evol., pag. 434, édit. de 1838.