Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/159

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nous-mêmes de ces sortes d’êtres, qu’un homme ne peut venir à connaître, par les idées qu’il a des fées et des centaures, qu’il y a des choses actuellement existantes qui répondent à ces idées. » Sur quel genre de preuves Locke nous proposera-t-il donc de croire à l’existence des esprits finis, c’est-à-dire de croire à l’existence de nos semblables ? Sur la révélation. Ainsi, Malebranche ne voit qu’un motif de croire à l’existence de la matière : la révélation ; Locke, qu’un motif de croire à l’existence des esprits : la révélation. Mais qui ne comprend que la certitude de la révélation, attestée par des hommes dont l’existence est problématique selon Locke, et contenue dans des livres dont la réalité est ébranlée par le doute que jette Malebranche sur l’existence de la matière, va tout à l’heure devenir impuissante à dominer les intelligences saturées de scepticisme, et qui se sont préparées à douter de l’évidence en doutant à la fois de la matière et de l’esprit ? La voie est frayée, le terrain est préparé, et l’on voit paraître Hume, le père du scepticisme moderne et du néant universel.

Condillac, qui exerça une si grande influence sur la philosophie française au dix-huitième siècle, devait attirer et attire, en effet, une attention spéciale de la part de M. Royer-Collard dans cette grande revue des philosophes modernes. Il démontre, par une étude attentive de ses divers écrits, que ce philosophe, plein de contradictions, est tantôt opposé au système des idées considérées comme des images émanées des corps, car