Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/163

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respect du droit, qui n’est plus qu’une hypothèse, et le sentiment du devoir, qui n’est plus qu’un préjugé. La soif des jouissances physiques, une aspiration égoïste vers le bien-être, l’idolâtrie du moi, si haïssable selon Pascal, voilà quelles sont les tendances naturelles d’une société où le scepticisme, professé dans les plus hautes sphères intellectuelles, finit par être pratiqué dans toutes, sous la forme du sensualisme, son résultat naturel. Le bonheur, la puissance, la dignité, quelquefois l’indépendance et l’existence même des nations, sont donc intéressés dans les erreurs qui prévalent tour à tour sous le nom de philosophie, quoique ces erreurs paraissent purement spéculatives ; car la philosophie régnante n’affecte pas seulement l’esprit des savants qui en font profession, elle a, de proche en proche, par la contagion de l’exemple, une influence considérable, quoique indirecte et éloignée, sur les idées des classes élevées, et sur la conduite des individus et du peuple tout entier ; et les mœurs, le gouvernement civil, les lois, finissent par porter la trace de cette doctrine, semblable à ces liqueurs subtiles qui pénètrent la substance du vase où elles sont contenues.

La philosophie s’épurait donc dans les derniers temps de l’empire ; elle allait du sensualisme et du scepticisme à un spiritualisme rationaliste qui prenait pour guide le sens commun et qui affirmait les évidences naturelles. Les nombreux esprits que la grande réaction philosophique et religieuse conduite par Chateaubriand, Joseph de Maistre et Bonald, n’avait pas