Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/168

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sous cette dénomination, à peu près tous ceux qui se livrent aux travaux de la pensée ; il est dès lors assez naturel que les idéologues n’aiment pas les conquérants. C’est la querelle des deux puissances, la puissance de l’esprit et celle du glaive ; or, l’empereur dont le sens était si droit, quand il n’était point faussé par une passion, avouait lui-même, dans ses heures d’épanchement, qu’à la fin la victoire demeure toujours à la première. — « Fontanes, disait-il un jour au grand maître de l’Université, savez-vous ce que j’admire le plus dans le monde ? C’est l’impuissance de la force pour organiser quelque chose. Il n’y a que deux puissances dans le monde, le sabre et l’esprit. J’entends par l’esprit les institutions civiles et religieuses. — À la longue, le sabre est toujours battu par l’esprit. » La philosophie, l’histoire, la littérature, qui ont la prétention de tenir par quelques liens à l’esprit, se trouvaient par là même assez mal disposées pour le sabre. C’est ainsi que l’on vit se former, sur la fin de l’empire, dans un coin de l’Université, un petit foyer de philosophie spiritualiste, de caractères indépendants, qui se relient dans une certaine mesure, au mouvement d’idées dont on trouve la trace dans les ouvrages de madame de Staël. Au fond, l’origine est la même ; c’est la date de 89 un peu effacée par tant de déceptions et d’épreuves, avec plus d’expérience, et par conséquent des espérances moins ambitieuses, mais avec une activité studieuse et une indépendance contenue qui se détachent sur l’indifférence générale comme la lumière