Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/19

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indigne d’un âge de lumière et un obstacle au bonheur et à la dignité de l’humanité émancipée, paraissait au moment de sombrer dans la pire des barbaries, celle qui sort tout armée d’une civilisation athée et corrompue. Toutes ces doctrines de liberté sans limites dont on avait bercé l’esprit de cette génération, aboutissaient au despotisme le plus pesant qui eût jamais écrasé un peuple : le comité de salut public et le tribunal révolutionnaire disposaient souverainement des libertés, des propriétés, des vies. On avait trouvé trop lourde la houlette des rois, ces pasteurs d’hommes, comme les appelle Homère ; le troupeau, affranchi de son pasteur, passait sous le couteau du boucher. Toutes ces utopies d’humanité et de philanthropie aboutissaient à des hécatombes humaines, offertes sur des échafauds en permanence à cette divinité sombre et terrible qu’on appelait la Révolution. Comme si cette soif de sang ne pouvait s’étancher dans les meurtres juridiques, les massacres s’ajoutaient aux supplices ; les femmes, les enfants, les vieillards, tout était trouvé bon pour mourir. Les mœurs et les spectacles des peuplades sauvages effrayaient, à la fin du dix-huitième siècle, la France civilisée ; des membres humains encore palpitants devenaient les trophées des grandes journées révolutionnaires, et des têtes coupées, arborées sur des piques, tenaient lieu de drapeau. Enfin, l’anthropophagie, qui commençait à se perdre dans le monde sauvage, se retrouvait, le 3 septembre 1792, après la mort de la princesse de Lamballe, à la porte du Temple,