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Lausanne, il apprend d’abord que tous ses biens sont confisqués, ensuite qu’ils sont vendus. Ces deux événements n’obtiennent de sa plume, dans ses lettres à son ami Vignet des Étoiles, que deux courtes mentions, qui constatent en passant son naufrage particulier, perdu à ses yeux dans le naufrage gêneral. La première fois, il écrit : « Mes biens sont confisqués, je n’en dormirai pas moins ; » la seconde : « Tous mes biens sont vendus, je n’ai plus rien. » Pas un mot de plus. On ne dira pas que M. de Maistre ressemblait à ce personnage d’un tableau du déluge qui cherche à sauver sa bourse, au milieu du cataclysme universel.

En 1797, il quitte Lausanne avec sa famille et rejoint le roi de Sardaigne à Turin. Bientôt il faut encore fuir. Le roi de Sardaigne, après une lutte de quatre ans contre la révolution, est en effet obligé de quitter ses États de terre ferme devant les Français, qui occupent Turin ; le comte de Maistre, considéré comme émigré depuis la réunion de la Savoie à la France, doit se hâter de chercher un asile. Après de grands dangers, il arrive à Venise, où s’écoulent les plus rudes journées de son émigration. La gêne vient bientôt frapper à sa porte, en annonçant l’indigence qui la suit de près. Il vit sur quelques débris d’argenterie, ses ressources s’épuisent, et il se voit à deux doigts d’une de ces situations sans issue qui sont si cruelles quand il faut associer à ses privations, à son dénûment, une femme, des enfants, ces