Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/206

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core entendre de sinistres présages : « Jamais aucun souverain n’a mis la main sur un pape (avec ou sans raison, c’est ce que je n’examine point), et n’a pu se vanter ensuite d’un règne long et heureux. Henri V a souffert tout ce que peut souffrir un homme et un prince. Son fils dénaturé mourut de la peste à quarante-quatre ans, après un règne fort agité. Frédéric Ier mourut à trente-huit ans dans le Cydnus. Frédéric II fut empoisonné par son fils, après s’être vu déposer. Philippe le Bel mourut d’une chute de cheval à quarante-sept ans[1]. » Il répond à ceux qui objectent que Napoléon vient du ciel : « Oui, il en vient comme la foudre. » Quand la chute de cet homme extraordinaire approche, il s’écrie : « Ses vices nous ont sauvés de ses talents. » Mais il y a une idée qu’il ne sépare point de celle-ci : c’est qu’on ne peut rien faire de grand et de bon en Europe sans la France ; c’est l’idée de toute sa vie. Il est plein d’estime pour le génie de notre nation ; il la regarde comme l’œil du monde : quand l’œil est obscurci, tout devient obscur ; c’est pour cela qu’il fait reposer toutes ses espérances sur le rétablissement du droit politique et des idées catholiques dans ce pays, dont les vertus sont contagieuses comme les erreurs.

Telle avait été la vie, telles avaient été les émotions du comte de Maistre pendant qu’il écrivait ses deux derniers ouvrages, c’est-à-dire jusqu’à l’époque de la restauration.

  1. Saint-Pétersbourg, 20 août 1810.