Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/218

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il remplit les fonctions de garçon d’auberge. Quelques volumes dépareillés de Voltaire lui tombèrent sous la main, et il apprit pour ainsi dire à lire dans les écrits de ce grand railleur de toute chose, comme celui-ci avait appris à lire dans la Moïsade. Il ne tarda pas à profiter de ses leçons, si l’on en juge par une aventure de son enfance. Un jour, par un grand otage, là tante de Pierre-Jean, qui était pieuse, jetait de l’eau bénite dans l’appartement ; l’enfant, placé sur le seuil de la porte, ricanait tout bas, comme il convient à un esprit fort ; lorsque tout à coup la foudre, tombant à côté de lui, le jeta dans une paralysie complète. On le crut mort. Quand il revint à lui, sa première parole à sa tante, bonne et pieuse femme, qui priait agenouillée au pied de son lit, fut celle-ci : « Eh bien ! à quoi sert donc ton eau bénite ? » Étrange, nous allions dire effrayante parole dans la bouche d’un enfant à demi foudroyé, qui sort de son évanouissement pour railler la prière, au lieu de songer à prier. À quatorze ans, Pierre-Jean entra en apprentissage chez M. Laisné, imprimeur à Péronne ; il commençait, dès lors à essayer des rimes. Un peu plus tard, il suivit les cours de l’Institut patriotique, fondé à Péronne par M. Ballue de Bellanglise, ancien député à l’assemblée législative. L’enfant perfectionnait, d’après le système de Rousseau, son éducation commencée à la Voltaire. Il apprenait à pérorer, à faire des motions, à délibérer, et il était un des plus rudes discoureurs de cette école renouvelée des clubs ! Avant de dire ce que M. de Bé-