Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/224

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tième année, quand il perdit son père ; sa mère, femme d’un esprit remarquable, alla chercher à Genève, pour ses deux fils, une de ces éducations fortes qu’on ne trouvait plus à cette époque en France. En 1803, Guizot, qui savait à fond cinq langues : le grec, le latin, l’allemand, l’italien et l’anglais, commença sa philosophie, et ce fut cette étude qui lui révéla à lui-même la tournure de son esprit, une grande confiance dans l’autorité de la raison humaine, une ardeur de méditation et une fierté intellectuelle qui le disposent à ne rien admettre qu’après contrôle. Après des études terminées avec éclat, il vint à Paris pour y faire un cours de droit ; il y trouva les débris de la société directoriale dont la licence frivole et les grâces fanées ne pouvaient que choquer l’austérité génevoise d’un jeune homme au cœur pur et à l’esprit solide et ardent. Des relations nouées avec M. Stapfer, ancien ministre de Suisse à Paris, et chez lequel il passa, en qualité de précepteur, une grande partie des années 1807 et 1808, lui ouvrirent une voie plus conforme aux tendances de son intelligence et de son caractère ; il partagea son temps entre la littérature allemande et la philosophie de Kant ; puis il refit complétement ses études classiques, à la fois maître et élève, et contrôlant ainsi l’enseignement autrefois reçu : nouvel indice de cette fierté rationnelle qui est un des traits distinctifs de l’intelligence de M. Guizot. M. Stapfer lui ouvrit l’entrée du salon de M. Suard, où se réunissait la société la plus spirituelle de l’époque, et celle qui s’occupait le