Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/233

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étrangère, inconnus à la plus grande partie de la jeunesse, qui apprenait en même temps leur existence et leur retour ; le long cortège de souvenirs dont ils marchaient suivis ; les vides sanglants qu’avait laissés dans cette famille la main de la révolution, et la mémoire de ceux qui n’étaient plus, évoquée par la présence de ceux qui restaient encore : il y avait dans cet ensemble de faits une source inépuisable d’impressions profondes qui remuaient vivement les imaginations disposées à se laisser toucher par le spectacle des vicissitudes humaines, et un sujet de graves méditations, de pensées élevées ou d’inspirations sublimes pour les écrivains qui se rattachaient à l’école religieuse et monarchique. Ceux qui, étant encore enfants à cette époque, ont vu, sans préoccupation favorable ou contraire, avec la simplicité et la sincérité de leur âge, ces journées d’effusion, d’ivresse trempée de larmes, et ces joies sur lesquelles descendaient les ombres mélancoliques du passé, en ont conservé un doux et impérissable souvenir. Plus tard, un sentiment de nationalité blessée par l’invasion étrangère a pu mêler dans nos âmes de l’amertume à ce souvenir, mais ce n’est que par réflexion que cette amertume est venue. La France, saignée aux quatre membres par les longues et lointaines guerres de l’empire, et fatiguée de ce despotisme si lourd malgré son vernis de gloire, avait tant souffert, que, dans ces premiers moments, le retour de la paix, sous quelque forme qu’elle se présentât, lui faisait l’effet d’une délivrance ; et l’Europe