Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/237

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paration aucune, la société nouvelle, sortie de la fournaise de la révolution, allait se trouver en présence des derniers débris de l’émigration, et que, comme la chute du gouvernement impérial et l’avénement du gouvernement nouveau avaient eu lieu à l’occasion d’une situation extérieure, rien, dans la situation intérieure, n’avait préparé les esprits à ce rapprochement qui pouvait devenir un choc. D’un côté, des malheurs inouïs dignes à la fois de compassion et de respect, tous les avantages de la fortune noblement quittés, toutes les épreuves de la misère courageusement souffertes sur la terre étrangère, mais aussi une défiance facile à expliquer pour les idées nouvelles, les besoins nouveaux qui s’étaient fait jour au milieu de tant de déchirements ; de l’autre, une société transformée, sortie de ces crises dont elle ne se croyait point responsable, qui, quelque jugement qu’elle portât d’ailleurs de la révolution, c’est-à-dire des circonstances au milieu desquelles la transformation s’était accomplie, quelque horreur qu’elle eût pour les crimes révolutionnaires, regardait cette transformation comme un fait acquis et définitif.

Si l’on vient à songer que c’était au milieu de ces intérêts divers, de ces esprits d’origine et de provenance contraires, de ces passions du passé, de ces aspirations du présent, que le sceau du silence était levé, et que la parole était rendue à toutes les écoles, à tous les systèmes, à toutes les espérances, comme à tous les regrets, il est facile de comprendre à quelle mêlée d’opinions on allait assister, et quelles tendances