Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/240

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graves conséquences que les écrivains de l’école opposée aux principes de la restauration ne devaient point laisser échapper. Le bonapartisme poétique, qui, pour les uns n’était qu’une légende et un souvenir, allait être pour d’autres une espérance et un calcul, pour d’autres, enfin, une arme. Il produisait une espèce d’illusion d’optique éminemment propre à tromper les esprits dans l’histoire comme dans la politique. Cette grandeur vaporeuse et indéterminée à la manière d’Ossian, dont les héros plaisaient tant à l’imagination de l’empereur, tendait à tout faire paraître petit, et la prose d’un gouvernement régulier, quelque sage qu’il fût, devait sembler terne et monotone, auprès de la poésie de ce gouvernement exceptionnel et irrégulier dont les proportions, déjà démesurées, s’agrandissaient encore au souffle de l’imagination des poëtes et de i’imagination populaire, qui est aussi poëte à sa manière.

Il faut tenir compte enfin d’une influence dont l’origine était très-respectable et qui favorisait l’avénement et les progrès du bonapartisme poétique. Si la première invasion n’avait guère laissé d’amertume dans les âmes, la seconde, provoquée par ce retour de l’île d’Elbe, qui sera mis par l’histoire au nombre des plus inexcusables torts de Napoléon, qui exposait la France à une catastrophe inévitable pour rejouer une partie définitivement perdue, avait laissé ouverte au cœur de notre pays la plaie toujours saignante de Waterloo. Ce douloureux échec de nos armes, cette humiliation de la patrie, cette fois envahie par des vain-