marquable que, parmi les reproches adressés par le ministre de la police à madame de Staël, pour motiver la saisie et la destruction de son ouvrage De l’Allemagne et un nouvel ordre d’exil, figuraient ces phrases : « Il m’a paru que l’air de ce pays ne vous convenait point, et nous n’en sommes pas réduits à chercher des modèles chez les peuples que vous admirez. Votre dernier ouvrage n’est pas français. » Ainsi, il n’était pas permis, sous l’empire, d’admirer le génie littéraire de l’Allemagne, et de frayer avec ses grands écrivains[1]. Un des esprits philosophiques les plus distingués de la restauration fait remarquer que, pendant l’empire, nos frontières avaient été également fermées à toutes communications savantes avec les autres peuples, et c’est une des causes auxquelles il attribue le règne longtemps incontesté de la philosophie de Condillac dans nos écoles[2]. Avec la paix générale réta-
- ↑ Il n’était pas même permis aux amis des personnes exilées de frayer avec elles. Madame de Récamier et le vicomte (plus tard le duc) Matthieu de Montmorency, étant allés rendre visite à madame de Staël au château de Coppet, furent punis par un ordre d’exil. (Voir la notice sur madame de Staël par madame Sophie Gay, dans le Plutarque français.)
- ↑ Voici le passage de M. Jouffroy auquel nous faisons ici allusion : « À l’époque où la révolution éclata, la doctrine de Condillac était trop jeune encore pour avoir trahi ses faiblesses ; l’orage que cet événement souleva suspendit toute espèce de réflexion, et interrompit, pour ainsi dire, la succession des idées métaphysiques ; et quand le calme revint au dedans, de si grandes choses succédèrent au dehors, qu’il était difficile que les esprits les plus enclins à la réflexion se détachassent complétement du spectacle