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nant le goût des romans historiques et en excitant quelques esprits distingués à s’essayer dans ce genre : c’est peut-être à l’influence exercée par les romans de Walter Scott qu’on devra le Cinq-Mars de M. de Vigny, esprit original qui marchera dans la même voie sans l’imiter. Thomas Moore demeura peu connu chez nous, et on ne lut presque que ses Amours des anges ; mais, en revanche, lord Byron devait exercer sur notre littérature une longue et puissante influence, résultat à la fois de son caractère, de son talent et de circonstances particulières qu’il importe d’indiquer.

Il faut, pour bien comprendre cette influence de lord Byron, rappeler quelques traits de sa physionomie morale et littéraire. C’était un descendant intellectuel de ce René, la figure la plus remarquable et la plus contemporaine peut-être que Chateaubriand ait tracée dans son Génie du christianisme aspirant à tout et mécontent de tout, fatigué des autres et de lui-même, et nourrissant je ne sais quelle amère tristesse qui débordait de son âme même au sein des plaisirs ; un génie situé entre la raillerie sceptique et désolante de Voltaire et la malédiction éloquente de Jean-Jacques Rousseau. Riche, pair d’Angleterre, beau, plein de talent poétique, il quittait son pays en 1809, en laissant derrière lui, comme souvenirs, son premier amour dédaigné, ses premiers poëmes persiflés[1], ses débuts parlementai-

  1. Il se vengea cruellement, on le sait, de la Revue d’Édimbourg, par sa célèbre satire : English Bards and Scotch Reviewers.