Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/273

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mit de l’affranchir de tout soin, et l’ami officieux emporta le manuscrit avec l’autorisation de le faire paraître, mais sans nom d’auteur. Le poëte qui refusait ainsi son nom à la renommée, c’était M. de Lamartine ; l’ami qui insistait pour la publication de ces vers, c’était M. de Genoude[1], au début de sa carrière de publiciste, et mettant dans ses amitiés la même ardeur qu’il devait mettre dans ses idées.

Quand les Méditations parurent, un long cri d’admiration et de sympathie s’éleva en France, bientôt en Europe. Depuis le Génie du christianisme, aucun livre n’avait produit une plus vive et plus profonde impression[2]. Cette fraîcheur de pensées, cette pureté

  1. Alors un des écrivains du Conservateur, plus tard directeur de la Gazette de France. M. de Lamartine dit de lui, dans la préface des Méditations : « Il me témoigna, un des premiers, une tendre admiration pour mes poésies, dont il connaissait à peine quelques pages. »
  2. Un savant illustre, Cuvier, dans sa réponse au discours de réception de M. de Lamartine à l’Académie française, a exprimé, avec une chaleur de souvenirs remarquable, l’enthousiasme général, qu’il avait lui-même partagé :

    « Lorsque, dans un de ces instants de tristesse qui s’emparent quelquefois des âmes les plus fortes, un promeneur solitaire entend par hasard résonner de loin une voix dont les chants doux et mélodieux expriment des sentiments qui répondent aux siens, il est comme saisi d’une sympathie bienfaisante, et sent vibrer de nouveau ses fibres, que l’abattement avait détendues ; et si cette voix qui peint ses souffrances y mêle par degrés de l’espoir et des consolations, la vie renaît en quelque sorte en lui. Déjà il s’attache à l’ami inconnu qui la lui rend ; déjà il voudrait le serrer dans ses bras, l’entretenir avec effusion de tout ce qu’il lui doit.