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Mais ce sont là des ivresses d’un moment qui font bientôt place, dans ce cœur chrétien, à un sentiment plus épuré et plus vrai. La terre, ce lieu où tout passe, n’est pas le séjour des affections durables ; celles du poëte des Méditations finissent toujours par aspirer au ciel[1].

Ce sentiment qui revient sans cesse dans les premières poésies de M. de Lamartine, est un des motifs qui les fit accueillir avec tant d’enthousiasme par les femmes. Le poëte chrétien leur rendait leurs titres de noblesse ; rompant avec les traditions des versificateurs païens du dix-huitième siècle, il leur donnait une âme. La réhabilitation de la femme est le cachet du

    Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
    Qui pendent sur tes eaux.
    Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
    Que les parfums légers de ton air embaumé,
    Que tout ce qu’on entend, l’on voit et l’on respire,
    Tout dise : Ils ont aimé !

  1. Ainsi il s’écrie dans la même pièce :

    Tu disais ; et nos cœurs unissaient leurs soupirs
    Vers cet être inconnu qu’attestaient nos désirs.
    À genoux devant lui, l’aimant dans ses ouvrages,
    Et l’aurore et le soir lui portaient nos hommages ;
    Et nos yeux enivrés contemplaient tour à tour
    La terre, notre exil, et le ciel, son séjour.
    Ah ! si dans ces instants où l’âme fugitive
    S’élance et veut briser le sein qui la captive,
    Ce Dieu, du haut du ciel répondant à nos vœux,
    D’un trait libérateur nous eût frappés tous deux,
    Nos âmes, d’un seul bond remontant vers leur source,
    Ensemble auraient franchi les mondes dans leur course ;
    À travers l’infini, sur l’aile de l’amour,
    Elles auraient monté comme un rayon du jour,
    Et jusqu’à Dieu lui-même, arrivant éperdues,
    Se seraient dans son sein à jamais confondues.

    (Méditations sur l’Immortalité.)