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laquelle le poëte élève très-haut son vol, en méditant sur cette vie où les revers furent aussi grands que les victoires ; et à côté de noms de ses héroïques journées de guerres, il fait jeter, par la vague, au conquérant devenu le prisonnier des mers, un nom qui trouble profondément son âme : celui de Condé. Cependant, malgré cette impartialité, le poëte, entraîné par le penchant de la poésie, idéalise celui auquel ses vers s’adressent, et lui attribue des proportions plus qu’humaines ; c’est l’immuable fatalité, c’est l’impassible destin. M. de Lamartine entre ainsi, sans s’en douter, dans la conspiration du bonapartisme poétique. Il a lui-même senti plus tard qu’il avait trop pardonné à cette gloire éclatante en voulant faire amnistier ses fautes et ses torts au nom de ce génie, qui est un devoir de plus, et non une excuse pour ceux à qui Dieu accorde ce sublime don. « La dernière strophe de cette pièce, dit-il avec une juste sévérité, est un sacrifice immoral à ce qu’on appelle la gloire[1]. »

Les Harmonies furent la dernière composition que M. de Lamartine publia sous la restauration. Le ton général de ces poésies suffit pour indiquer que le poëte a marché dans la vie, et qu’au lieu de gravir le versant

  1. Voici cette strophe :

    Son cercueil est fermé, Dieu l’a jugé : silence !
    Son crime et ses exploits pèsent dans la balance ;
    Que des faibles mortels la main n’y touche plus.
    Qui peut sonder, Seigneur, ta clémence infinie ?
    Et vous, fléaux de Dieu, qui sait si le génie
    N’est pas une de vos vertus.