Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/336

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exagérations poétiques qui auraient offert, dans d’autres circonstances, une nuance de ridicule, avaient dans celle-ci quelque chose de touchant. N’y avait-il pas une sorte de piété filiale à venir lui parler de sa gloire passée, à cette pauvre France dont la fortune venait de déserter les drapeaux, et ne fallait-il pas la consoler au milieu de sa défaite, en évoquant devant elle ses anciens jours de triomphe ? Quant à cet hommage rendu à des soldats si longtemps vainqueurs et maintenant étendus morts sur les plaines funèbres de Waterloo, sans même avoir eu le bonheur de mourir dans un jour de victoire, comme le disait éloquemment le poëte[1], il plaît par cela même qu’il est un peu excessif dans la forme, comme une pieuse flatterie adressée au malheur et à la mort, les seules et mornes majestés dont le poëte puisse être avec dignité le courtisan, parce que leurs mains ouvertes pour recevoir sont vides pour donner. Mais, dans la seconde Messénienne, celle où le poëte déplore la dévastation du Musée, on commence à apercevoir un des défauts de Casimir Delavigne. Il n’a pas su exprimer naturellement le sentiment national, moins ému, il faut le dire, à l’honneur de la noblesse intellectuelle de l’esprit français, des immenses sacrifices d’argent imposés à notre détresse, que de la perte des chefs-d’œuvre, ces trophées de nos anciennes vic-

  1. Ils avaient tout dompté… Le destin des combats
    Leur devait, après tant de gloire,
    Ce qu’aux Français naguère il ne refusait pas :
    Le bonheur de mourir dans un jour de victoire.