Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/34

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avoir exprimé une opinion fort hostile au Génie du christianisme, il termine en disant : « Je conclus à ce que vous hâtiez le résumé de vos avis, de peur que les procès-verbaux des séances de notre classe ne s’imprègnent, aux yeux de l’avenir, d’une petite teinte de ridicule, si nous prolongeons nos discussions sur l’examen du livre qu’on nous fait juger. Vous savez que la dignité d’une compagnie de lettrés l’oblige à quelques soins pour sa propre mémoire[1]. »

On voit par ces débats la situation vraie de la littérature française, au commencement de ce siècle, les influences rivales qui se heurtaient, les deux esprits qui se trouvaient en présence. Le rationalisme philosophique du dix-huitième siècle, et l’esprit chrétien renaissant en France après une longue éclipse, se rencontraient au sortir de la crise révolutionnaire. Le combat intellectuel qui semblait fini recommençait, et les chances en paraissaient changées non que l’on dût arriver de sitôt à la fin de la lutte : l’histoire de l’humanité finira en même temps que celle de ce long duel de l’esprit de libre examen poussé jusqu’à l’abus, contre les lois essentielles qui régissent la société spirituelle comme la société politique. Mais il y a des alternatives dans cette lutte et, quand les sociétés se sont senties entraînées sur la pente de l’abîme par des doctrines qui aboutissent à la négation absolue, elles se rejettent en arrière avec l’horreur désespérée du

  1. Rapports et opinions sur le Génie du christianisme, par ordre de la Classe de la langue et de la littérature française.