Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/351

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tite avait été envahie par le paganisme littéraire. Les rares épîtres de Casimir Delavigne semblent un reflet élégant, spirituel, mais un peu décoloré de celles de Voltaire. Ses poésies légères sont complètement païennes ; on y retrouve les idées, les sentiments des anciens, avec la morale de Catulle, d’Horace et d’Ovide, traduite en français :


Alors que ma froide paupière
Pressera mes yeux à jamais,
Ô Naïs, pour faveur dernière
Couronne-moi de myrtes frais.


Poésie fausse, car on ne voit nulle part ces agonies couronnées de myrtes qui, la coupe à la main, abandonnent la vie dans un banquet ; poésie antichrétienne, car tout chrétien doit accepter, à cette heure suprême, la couronne d’épines que porta le Christ au Calvaire, et les embrasements dans lesquels il expire, ce sont ceux de la Croix[1].

Telles furent l’influence de l’époque de la restauration sur Casimir Delavigne et celle de Casimir Delavigne sur l’époque. Cette influence fut grande, parce qu’il exprimait des idées et des sentiments sympathiques à son temps, dans cette langue élevée, harmonieuse et durable que parlent les grands écrivains ; c’est là le côté vraiment supérieur de son talent, comme poëte lyrique. Il est maître de son instrument.

  1. De ton souffle viens m’embraser.
    Ah ! que sur tes lèvres de flamme
    Je puisse déposer mon âme ;
    Que j’expire dans un baiser.