Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/360

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dans le fourreau les épées irritées d’être oisives. Avec la chanson philosophique, il a attaqué le côté religieux de la restauration, les principes chrétiens de son gouvernement et les vertus chrétiennes de ses princes, et il a excité contre elle le parti voltairien, ce reste puissant et vivace encore de la révolution. Avec la chanson démocratique, il a attaqué le principe monarchique de la restauration, et il a excité contre elle le fanatisme républicain d’une partie des classes populaires et les opinions enthousiastes d’une jeunesse ardente. Ainsi il a rassemblé les nuances incohérentes qui forment ce corps monstrueux qu’on appelle la révolution, le despotisme du camp, l’anarchie de la rue, la corruption des mœurs, le stoïcisme des idées, et avec cette coalition d’éléments contraires qui ne s’entendent que pour détruire, il a livré bataille à la monarchie.

Ceci indique le véritable caractère des poésies de M. de Béranger, et explique les contradictions, sans cela inexplicables, qu’on y trouve, et le succès immense qu’il obtint, et que son talent, quelque réel qu’il soit, ne suffirait point seul à justifier. Les chansons de Béranger sont l’écho de la révolution avec la pluralité de ses passions, la contradiction de ses idées, l’incohérence de ses sentiments, réunies dans l’unité de la haine de la règle, soit religieuse, soit morale, soit sociale, soit politique. Béranger est, avant tout, un poëte révolutionnaire ; il ne se pique pas d’être conséquent, il veut renverser le gouvernement et la société, et, comme quelques-uns des adversaires les plus ardents de la