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La gaieté de Béranger, comme sa gravité, a deux types : le premier, c’est le genre burlesque appliqué aux idées graves, religieuses. Il excelle à travestir en images bouffonnes les idées les plus hautes et les plus sublimes auxquelles l’esprit humain puisse atteindre ; triste mérite que les modernes ont encore emprunté à un ancien ! Ils ont appliqué à la vérité le système de railleries que Lucien appliqua, avec une inépuisable verve, à l’erreur, et ils ont traité la religion comme la mythologie, les saintes obscurités de la foi qui expliquent tout, dès que l’on consent à les admettre, comme les fables absurdes du polythéisme qui font un chaos du monde moral et intellectuel. Béranger a eu ici peu de frais d’imagination à faire. Voltaire et Parny avaient écrit l’épopée de ce genre ; il s’est borné à réduire leurs épopées irréligieusement burlesques aux proportions du couplet.

Quand bien même on consentirait à ne pas prendre au sérieux les boutades philosophiques que quelques auteurs se sont permises, toujours est-il qu’on ne saurait, sans se donner un tort intellectuel, faire la parodie de certaines idées qui sont, de leur essence, graves et solennelles. Des hommes de goût ont reproché à Boileau d’avoir parodié une des plus belles scènes du Cid pour en faire une satire contre Chapelain, et il est vrai que, lorsqu’on a lu récemment la folle imitation de Boileau, il est impossible de lire la scène de Corneille sans apercevoir Chapelain et sa perruque derrière don Diègue, et le laquais poétique de Chapelain derrière le Cid. Le