Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/421

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pressive frémissaient. « Messieurs, » dit-il après quelques instants d’un douloureux recueillement, « par une clémence presque divine, et, si vous l’aimez mieux, pour l’apaisement de la société, il fut promis que nul ne serait recherché pour ses votes ; l’oubli fut commandé à tous les citoyens. Qui donc, en effet, se souvenait du quatrième député de l’Isère ? Qui donc le recherchait pour ses opinions et pour ses votes ? L’oubli n’a-t-il donc été imposé qu’aux victimes, et ceux qui avaient besoin d’en être couverts ont-ils seuls conservé le triste droit de se souvenir ? » Ces terribles paroles, accueillies par les applaudissements enthousiastes de la droite, tombaient comme un arrêt de la conscience publique sur la gauche consternée, et l’élection de Grégoire était annulée à l’unanimité, par les uns comme indigne, par les autres à cause d’un vice de forme, par tous au fond à titre d’impossible.

Nul n’égalait M. Lainé dans ces grands effets d’éloquence. Chez lui, la physionomie, le geste, la pose, le regard, la voix, tout parlait. Son âme expansive semblait, dans ces circonstances solennelles, se répandre dans toute sa personne. Le mouvement de sa pensée, les battements de son cœur passaient dans son éloquence, parce qu’il pensait, parce qu’il sentait au moment même où il parlait, et chacun éprouvait comme un choc électrique au contact de sa parole.

Un seul orateur peut-être produisit des émotions aussi profondes dans les assemblées de la restauration : ce fut M. de Serre. M. de Serre était issu d’une noble