Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous côtés des figures semblables au Déiphobe de Virgile [1]. Je pleure encore un Hermès, enfant que j’avais vu dans son entier, vêtu et encapuchonné d’une peau de lion, et portant sur son épaule une petite massue. C’est, comme vous le voyez, un Cupidon dérobant les armes d’Hercule, morceau d’un travail exquis, et grec si je ne me trompe. Il n’en reste que la base, sur laquelle j’ai écrit avec un crayon : Lugete, veneres, cupidinesque, et les morceaux dispersés qui feraient mourir de douleur Mengs et Winckelmann, s’ils avaient eu le malheur de vivre assez longtemps pour voir ce spectacle. Des soldats qui sont entrés dans la bibliothèque du Vatican ont détruit, entre autres raretés, le fameux Térence du Bembo, manuscrit des plus estimés, pour avoir quelques dorures dont il était orné. Vénus de la villa Borghèse a été blessée à la main par quelque descendant de Diomède, et l’Hermaphrodite (immane nefas !) a un pied brisé[2] ! »

Ce fragment donne une idée assez exacte de la tournure d’esprit et de style de Courier. Dans son meilleur temps, il n’a rien écrit de plus exquis. C’est le même mouvement d’indignation lettrée qu’on rencontre dans la pièce où Casimir Delavigne déplore la dévastation

  1. Hic Priamidem laniatum corpore toto
    Deiphobum vidit, lacerum crudeliter ora,
    Ora, manusque ambas, populataque tempora raptis
    Auribus, et truncas inhonesto vulnere nares.

    (Énéide, livre sixième.)
  2. Lettre adressée par Courier à son ami Chlewaski en 1799.