Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/439

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À la bonne heure ! — Nouveau silence ; on recommence à s’observer les uns les autres comme des gens qui se voient pour la première fois. Nous y serions encore, si je n’eusse pris la parole. — Messieurs, dis-je, il me semble, sauf correction, que ceci ne nous regarde pas. La nation veut un empereur, est-ce à nous d’en délibérer ? — Ce raisonnement parut si fort, si lumineux, si ad rem, que veux-tu ? J’entraînai l’assemblée. Jamais orateur n’eut un succès si complet. On se lève, on signe, on s’en va jouer au billard. Maire me disait : — Ma foi, commandant, vous parlez comme Cicéron ; mais pourquoi voulez-vous tant qu’il soit empereur, je vous prie ? — Pour en finir et faire notre partie de billard. Fallait-il rester là tout le jour ? Mais vous, pourquoi ne le voulez-vous pas ? — Je ne sais, me dit-il, mais je le croyais fait pour quelque chose de mieux. Voilà le propos du lieutenant ; je ne le trouve pas tant sot. »

On comprend que l’écrivain qui racontait en ces termes la proclamation de l’empire dans l’armée fit, pendant l’empire, la guerre sans grand enthousiasme. Quand il avait vu la gloire en face, il n’avait plus aperçu que le mauvais côté de la gloire. Le grand empereur gênait, plus que l’on ne saurait dire, ce caractère d’opposition et de dénigrement. Paul-Louis était, par l’intelligence, citoyen de cette ville d’Athènes d’où l’on exila Aristide, à cause de ce nom de Juste qui revenait toujours. L’Athénien de Paris ne prenait pas avec plus de patience le nom de Victorieux et d’Invincible que Bona-