Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/459

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meurât que cette supériorité d’esprit et d’épigrammes qu’il se reconnaissait. Il souffre volontiers « Georges le laboureur, André le vigneron, Jacques le bonhomme et toute cette classe qui ne meurt pour personne et, sans dévouement, fait tout ce qui se fait, bâtit, cultive, fabrique, autant qu’il est permis ; lit, médite, calcule, invente, perfectionne les arts ; » mais il voudrait qu’il y eût le moins de gouvernement possible et, au fond, il préférerait qu’il n’y en eût pas. Il oublie que ce n’est pas tout de cultiver, de bâtir, de fabriquer, et même de lire, de méditer, de calculer et d’inventer ; que la morale des intérêts privés n’est pas celle de l’intérêt général ; qu’il y a des heures dans la vie des nations où, si le dévouement n’existe pas, les nationalités périssent, et où, faute d’une haute impulsion donnée aux efforts communs par une raison et une volonté supérieures, ces efforts languissent ou s’éparpillent et demeurent stériles. Ce n’est ni André le vigneron, ni Georges le laboureur qui écriront au général de notre dernière armée, dans les désastres de la fin du règne de Louis XIV : « Si vous êtes battu, écrivez-le à moi seul ; je traverserai Paris, votre lettre à la main, et je vous conduirai cent mille hommes pour m’ensevelir avec vous sous les ruines de la monarchie ! » comme ce n’est pas Jacques Bonhomme qui se roidira contre la défaillance universelle d’un royaume réclamant la paix à tout prix, fût-ce une paix honteuse et désastreuse, pour faire une campagne suprême qui conduira à une paix honorable et avantageuse. Quand cette