Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/478

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Toutes les institutions qu’il a insultées et méconnues se trouvent impuissantes à le protéger. La société est comme désarmée quand elle veut agir en faveur de cet homme qui avait tant souhaité, tant demandé que la


    pravées donnaient un démenti à la théorie de Courier sur les vertus champêtres, avait assisté au meurtre, du fond d’un fourré où elle était avec un jeune homme. Pendant cinq ans elle avait gardé le silence ; mais un soir, en passant près du lieu du meurtre, qu’elle avait toujours évité depuis, son cheval eut peur, fit un écart et faillit la renverser. Encore tout émue en arrivant, elle dit à son maître : « Mon cheval a eu presque aussi grand’peur que moi quand on a tué M. Courier. » On l’interrogea alors, et, d’aveu en aveu, elle finit par raconter le meurtre, en désignant le garde Frémont comme en étant l’auteur principal, et deux charretiers de Courier, les frères Dubois, dont l’un était mort, comme en étant les auxiliaires actifs et les complices. Un nouveau procès s’instruisit. Frémont, couvert par le premier verdict du jury, ne pouvait y paraître comme accusé ; il y parut comme témoin. Pressé par les dépositions imperturbables de la fille Grivault, que son demi-idiotisme n’empêcha point de raconter les faits de la manière la plus lucide, il finit par confesser ce meurtre que la justice humaine était contrainte de laisser impuni, car le meurtrier lui échappait par le bénéfice d’un premier acquittement. On eut donc l’étrange spectacle d’un criminel convaincu de son crime, l’avouant lui-même, et jouissant du privilége de l’impunité. Frémont désigna les frères Dubois comme ses complices, et comme les instigateurs du meurtre ; celui qui survivait fut acquitté par le jury à égalité de voix (14 juin 1830). À quelques jours de là, Frémont qui avait vieilli de dix ans pendant les débats, et qui ne paraissait à l’audience que courbé sous le poids de ses terreurs et de ses remords, à tel point qu’on était obligé de soutenir ses pas chancelants, mourait d’un coup d’apoplexie. À défaut de la justice des hommes, la justice de Dieu l’avait frappé.