Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/479

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société fût désarmée. On dirait une leçon pleine d’une grave et funèbre ironie donnée à toute une famille d’esprits superbes sur un seul cercueil. Encore une fois, celui qui s’isolait de tous est mort isolé ; celui qui avait le cœur rempli de sa personnalité a manqué de secours ; celui qui jetait des paroles de dédain aux lois n’a point été protégé par les lois ; celui qui avait tant attaqué la religion n’a point eu ses consolations dernières ; celui qui préférait l’état sauvage, avec sa brutale égalité, à la hiérarchie de l’état social, est tombé victime des instincts brutaux de la nature humaine.

Le voilà, ce grand écrivain, cet éloquent pamphlétaire, qui avait employé tout ce qu’il avait de verve et de talent dans le cœur à décréditer les théories sociales et à leur substituer le droit farouche de l’individualisme, d’après lequel chacun est son roi, son juge, son prêtre, son Dieu ! le voilà aujourd’hui malheureusement écrasé par le fardeau qu’il a soulevé ; le voilà devenu un funeste et déplorable exemple de la petitesse de l’homme laissé à sa propre force qui n’est que faiblesse, à son propre pouvoir qui n’est qu’impuissance, à sa propre valeur qui n’est que misère et que néant. Qui nous dira les secrètes pensées qui se sont remuées dans le cœur de Paul-Louis Courier à son heure dernière ? Pensées rapides, car les moments sont courts ; mais pensées profondes, car le poids de l’éternité qui les presse les fait descendre bien avant dans le temps ! Qui nous dira quelles furent ces secrètes pensées qui, dans ce bois de la Chavonière, occupèrent les derniers