Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/482

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pour les campagnes d’opinion qu’on avait à faire. C’est ainsi que la Grèce dut en grande partie sa délivrance à la sympathie que ses malheurs excitèrent dans les salons de Paris. Les orateurs et les écrivains semaient leurs succès dans cette atmosphère passionnée, et plus tard, ces succès obtenus, c’était encore là qu’ils venaient en jouir. On ne saurait dire combien la vie intellectuelle, qui débordait alors dans ces soirées spirituelles et brillantes, enivrait cette génération si longtemps sevrée de toutes les libertés, même de celle de la conversation, à laquelle d’ailleurs les aliments manquaient ! L’orateur après le discours qui avait remué l’une des deux Chambres, le publiciste après la brochure qui avait été l’événement de la journée, l’auteur dramatique heureux la veille au théâtre, le poëte dont les méditations, les odes ou les chansons avaient ému les âmes, parlé au cœur ou aux passions, trouvaient le soir leur succès écrit sur les lèvres des plus gracieuses femmes de Paris. Ils entraient immédiatement en jouissance de leur renommée, et jamais, on peut le dire, les hommes de talent ne firent moins de crédit à leur gloire. Il arrivait parfois que, dans ces salons, les opinions se trouvaient un peu mêlées. Alors du choc des idées jaillissait l’épigramme, avec ce tour vif, imprévu et prime-sautier que lui donne l’esprit français. Un soir, M. de Laborde, député et écrivain de l’opposition, que les traditions de sa famille semblaient devoir rattacher à la royauté, s’égare dans un salon de la droite : « Quel rôle prétendez-vous donc