Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/51

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l’essentiel est nuisible. Les sociétés ne doivent point, en effet, enchaîner inutilement d’avance leur action ; il faut qu’il y ait du jeu entre les grands supports, c’est-à-dire entre ces lois fondamentales contre lesquelles tout ce qui se fait est nul de soi, comme parle Bossuet, et qui soutiennent l’édifice tout entier, pour que le libre arbitre de chaque génération qui doit s’y mouvoir s’exerce suivant les besoins de chaque siècle, et établisse dans cet édifice les aménagements reconnus indispensables ou utiles.

Les constitutions écrites a priori ne sont pas le seul préjugé du temps que Joseph de Maistre attaque. On sait tout ce que les philosophes avaient dit contre la guerre. Il eût semblé, à en juger par les utopies de l’époque qui avait précédé la révolution de 1789, que la paix universelle allait bientôt faire son avènement sur la terre, espoir qui devait être sitôt et si cruellement démenti par l’événement. C’est en face de cette utopie que le comte de Maistre écrit son edoutable chapitre sur la guerre redoutable, c’est le mot, car l’auteur développe cette sombre thèse : « Il y a lieu de douter que la destruction violente de l’espèce humaine soit en général un aussi grand mal que l’on croit[1]. » N’est-ce point presque légitimer ce fléau, qui peut entrer dans les vues de la Providence, mais qu’il est dangereux de réhabiliter dans l’esprit des hommes ? Les

  1. Ces idées, mûries par les méditations de l’auteur, arrivèrent à leur expression la plus haute et la plus exacte dans les Soirées de Saint-Pétersbourg.