Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/57

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décrets. Mais le chef de l’Église garde le silence ; mais les premiers pasteurs rejettent unanimement ces innovations ; mais les pasteurs secondaires, unis partout à leurs évêques, annoncent la plus invincible résistance. Et j’irais prévenir la décision du chef de l’Église, braver l’opinion unanime de mes pasteurs, déshonorer ma religion en plaçant les prêtres entre la conscience et l’intérêt, le parjure et l’avilissement ! Non, l’humanité, autant que la religion, se révolte à cette pensée. »

Les grandes lignes de la vie de M. de Bonald commençaient dès lors à se dessiner. Cette démission hautement donnée l’obligea à émigrer de bonne heure. Tant que l’armée des princes demeura réunie, il fut à son rang sous leur drapeau. Après son licenciement, il vint se réfugier avec ses jeunes fils, Henri et Victor, dans la ville de Heidelberg. Lors de son arrivée dans cette ville, entrant avec eux dans l’église du Saint-Esprit, il lut cette inscription gravée au-dessus du maître autel : Solatori Deo. — « Mes enfants, leur dit-il, ces mots semblent s’appliquer particulièrement aux émigrés. » C’est à Heidelberg que M. de Bonald commença à écrire la Théorie du pouvoir, ouvrage dans lequel se trouvait en germe la Législation primitive. Sa seule distraction était de présider à l’éducation de ses enfants, et de suivre les longues colonnes de prisonniers français qui passaient souvent à Heidelberg, pour converser avec eux de la patrie qu’il aimait, de leurs combats, de leurs souffrances. La misère de l’émigré