Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/64

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le jour et l’heure, dont l’Être suprême s’est réservé la connaissance[1]. » Le style de l’auteur, qui est quelquefois dogmatique et hérissé de syllogismes qui ne déguisent point leur forme compassée, prend alors une chaleur intellectuelle qui n’a rien de commun avec la passion, et il acquiert cette précision remarquable qui cisèle la pensée et la fixe dans la mémoire. Le lecteur se trouve ainsi dédommagé de ce qu’il a rencontré d’un peu aride dans la manière de l’écrivain, qui s’emprisonne et emprisonne avec lui les intelligences dans un champ mesuré et borné d’avance avec une rigueur géométrique, et sur lequel il accomplit, dans ses divers ouvrages, des évolutions successives sans jamais en sortir.

M. de Bonald a lui-même indiqué, dans un discours préliminaire qui a l’étendue et l’importance d’un ouvrage, les erreurs accréditées par le dix-huitième siècle, et qu’il entreprend de combattre. « La philosophie moderne, dit-il, confond dans l’homme l’esprit avec les organes ; dans la société, le souverain avec les sujets ; dans l’univers, Dieu lui-même avec la nature ; partout la cause avec les effets ; et elle détruit tout ordre général et particulier, en ôtant tout pouvoir réel à l’homme sur lui-même, aux chefs des États sur le peuple, à Dieu sur l’univers. » La doctrine que M. de Bonald attaque révèle d’avance celle qu’il enseigne. Il distingue l’esprit de l’homme de ses organes, les sou-

  1. Législation primitive, tome II, page 353. (À Paris, chez Leclerc, 1802.)