Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/68

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quée par les parents aux enfants, est le moyen de cette transmission intellectuelle.

On aperçoit, du premier coup d’œil, combien cette théorie est supérieure, non-seulement au point de vue moral, mais au point de vue de la vraisemblance logique et de la vérité pratique, à toutes ces suppositions des philosophes du dix-huitième siècle, sur des statues peu à peu animées, et devenant progressivement intelligentes par l’ouverture successive des sens. C’est ainsi que les savants raisonnent dans leur cabinet, mais ce n’est pas ainsi que les choses se passent dans la nature. Tous ceux qui ont observé la marche de l’éducation intellectuelle des enfants depuis leur naissance, savent que l’instrument de cette éducation, c’est le langage. Tout se passe entre une intelligence que Dieu a créée capable de recevoir et de former les idées, surtout par la parole, et les intelligences qui la lui transmettent comme elles l’ont elles-mêmes reçue. Au lieu de la froide statue du cabinet de Condillac, s’éveillant aux idées par les sensations dans la solitude et l’abandon, nous avons tous vu, dans nos foyers domestiques, de chères et faibles créatures qui mourraient si elles étaient un seul instant abandonnées, apprendre à penser à l’aide de mots que fournit à leur esprit, avant même que leur bouche puisse les articuler, cette providence penchée sur chaque berceau, et qu’elles appelleront plus tard du doux nom de mère. En remontant ainsi de berceau en berceau, on arrive jusqu’à celui du monde ; seulement, auprès du premier homme sorti des mains du Créateur,