Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/99

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des caractères indépendants. La dictature ne le peut pas ; il faut qu’elle soit tout, sous peine de n’être rien. Le despotisme est une servitude pour tout le monde, même pour celui qui l’exerce.

Il serait injuste de croire cependant qu’à l’exception du petit nombre d’hommes qui se tinrent à l’écart, toute la génération de cette époque ait cédé à de grossières amorces, en se soumettant à l’ascendant de l’empereur. Il avait les séductions si puissantes de la grandeur aimable et du génie bienveillant, et il savait à merveille se servir, quand il le voulait, de ces armes dont il connaissait l’influence, particulièrement sur les hommes à imagination. Un poëte a parlé de l’espèce irritable des poëtes : ils ne sont irritables que parce qu’ils sont sensibles ; les organisations délicates sont celles qui sont le plus faciles à émouvoir par les passions contraires et l’on trouve même, par analogie, dans le règne végétal, une image de ces organisations dans la sensitive. L’empereur exerçait donc un attrait puissant sur les écrivains. Cependant, plusieurs de ceux-là même qui avaient cédé de la manière la plus complète à cet attrait montrèrent, dans des occasions graves, qu’ils n’avaient pas abdiqué le respect d’eux-mêmes, et qu’il y avait des bornes à leur dévouement. Le lendemain du jour où le duc d’Enghien fut fusillé dans les fossés de Vincennes, M. de Fontanes dut prononcer un discours ; il louait, dans ce discours, les nouvelles lois que venait de promulguer le gouvernement consulaire ; au mot de lois on substitua, dans le