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tombant à ses pieds ; dis que cet amour qui m’enivre a pénétré ton cœur. Dis que tes vœux secrets, une puissance inconnue, t’entraînent vers moi ; que tu pleures sur le sort qui nous sépare, que tu te fies à mon honneur, que tu m’aimes, enfin ; ah ! dis-le, car je le sais…

— Éloignez-vous d’ici ! reprit-elle en me repoussant avec effroi, mais d’une voix empreinte de toutes les émotions de l’amour ; ah ! n’abusez pas de ce pouvoir qui vous livre tous les secrets de mon cœur. Voyez, je pleure, je tremble, oui, j’ai peur de vous aimer, vous que je ne connais pas, vous qui me faites dire ce que je n’ai dit de ma vie ; oh ! mon Dieu, prenez pitié de moi !

Et son regard suppliant, ses mains jointes comme pour la prière, tout en elle implorait cette puissance occulte dont elle croyait reconnaître l’empire. J’étais dans l’ivresse d’un bonheur inespéré, dans cette espèce d’enchantement où plonge un premier aveu ; et le ciel sait ce que serait devenue ma raison, si l’arrivée de la jeune Euphémie ne l’eût rappelée.

La crainte de compromettre Alexine me rendit aussitôt ma présence d’esprit, je pris alors le ton suppliant pour obtenir d’elle une réponse favo-