Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/146

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remporter deux grandes victoires sur ces Autrichiens, qui menaçaient déjà de venir boire notre vin et piller nos maisons. Grâce à Dieu et à ce petit diable de caporal, qui avait l’air si résolu quand il a passé par ici, nous ne verrons jamais, j’espère, ces visages-là chez nous.

— À cette nouvelle, Gustave fit un signe d’impatience qui montrait assez le regret qu’il éprouvait de ne s’être pas trouvé à ces deux affaires.

— Je ne me pardonnerai jamais, dit-il avec humeur, en regardant Athénaïs, d’avoir manqué cette occasion de gagner mes épaulettes.

— Il s’en présentera bien d’autres, jeune homme, répondit le major. Rassurez-vous : dans cette campagne-ci, les dangers ne nous feront pas faute ; et, depuis celui de mourir de faim, jusqu’à l’honneur de recevoir un boulet de canon, vous en aurez bien assez à braver.

À ces mots, madame de Verseuil leva au ciel des yeux où se peignait tant d’effroi, que Gustave lui pardonna presque ses sages résolutions, et se livra à l’idée de l’intéresser à lui par tous les périls imaginables.

Dévoré de l’ardeur de se battre, et peut-être un peu du désir de se venger des froideurs d’Athénaïs, il prit congé de ses compagnons de voyage, en les prévenant qu’il n’aurait le plaisir de les revoir qu’à Nice : c’était là que nous devions trouver le général Verseuil, ou des ordres pour le rejoindre.

Nous fîmes le reste de la route avec une rapidité désespérante pour un observateur qui s’était promis de contempler à loisir un pays admirable, et qui méditait en secret une petite relation pittoresque en forme d’itinéraire ; mais il fallut bien en prendre mon parti, et dire, comme ce voyageur qui traversait Florence en pleine nuit : « Allons, encore une ville de vue. »



XXXI


Arrivés à Nice, nous n’y trouvâmes plus que quelques troupes de réserve confiées à la prudence du général Verseuil,