Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/335

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lade, et vous croit tout occupé de la soigner. Les gens de votre connaissance ont la même idée, et trouvent tout simple que l’on ne vous rencontre nulle part. Ainsi vous n’avez rien à redouter des propos que l’on pourrait tenir sur les motifs de cette affaire.

— Peu m’importe, répondit Gustave d’un ton qui trahissait sa profonde tristesse ; je crois m’être conduit en homme d’honneur, cela me suffit : je ne veux penser aujourd’hui qu’à votre parfaite amitié, c’est le seul sentiment que je puisse mêler au plaisir de revoir ma mère.

Alors il sonna, et nous l’aidâmes à monter chez madame de Révanne. En entrant dans sa chambre à coucher, nous aperçûmes une femme qui se sauvait par la porte du boudoir. Cette fuite parut troubler un moment la joie de Gustave ; mais sa mère l’embrassait si tendrement, elle remerciait le ciel avec tant de faveur de lui avoir conservé son fils, elle le baignait de si douces larmes, que ce moment devait triompher de tous les regrets.

À dater de ce jour, tous deux recouvrèrent la santé comme par enchantement. Gustave, encore trop faible cependant pour reprendre ses occupations, s’amusait à jouer tous les soirs avec Alfred, et s’en faisait adorer à force de complaisances ; mais toutes les grâces, les caresses de ce joli enfant, ne consolaient pas Gustave de l’obstination que Lydie mettait à le fuir. Nous la regardions dans la maison comme l’ange protecteur qui venait, par ses soins, de sauver la vie de madame de Révanne ; nous la bénissions tous ; Gustave seul ne pouvait la remercier de lui avoir conservé sa mère ; et lorsqu’il m’envoyait demander si sa cousine était visible, l’on me répondait toujours : « Madame est sortie. » Cependant nous entendions marcher dans l’appartement qu’elle occupait au-dessus de nous, et souvent les accords de sa harpe nous révélaient sa présence. À la fin, ce voisinage me paraissant ajouter de pénibles réflexions à toutes celles qui accablaient mon maître, je l’engageai à retourner dans son appartement, où il serait beaucoup mieux que dans le pavillon.

— Pourquoi ? me répondit-il ; il me semble que je suis bien ici… et après un moment de rêverie : Mais, tu as raison, il