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ADOLESCENCE

— Faites passer à Cestrières, dit le grand Fouque, en tendant une enveloppe à son voisin de classe.

Celui-ci, tout en restant penché sur son cahier, obéit. Cinq fois, la consigne fut répétée à voix basse avant que l’envoi échouât sur le pupitre du destinataire.

La tête dans ses mains, Cestrières était à tel point absorbé par ses pensées studieuses qu’il ne vit rien. Le lycéen assis à sa droite, qui le regardait avidement, le poussa du coude et, désignant l’enveloppe blanche, aveuglante, insolite, chuchota :

— De la part de Fouque !

Toute la rangée était immobilisée, saisissant joyeusement cette occasion de dissipation. Cestrières prit le message distraitement.

Ce n’était point une lettre, comme il s’y attendait, mais une photographie. L’ayant regardée, il rougit violemment, la remit dans l’enveloppe avec une moue méprisante et la rendit. Elle repassa donc cinq mains impatientes. Comme les élèves craignaient Fouque, aucun n’osa en regarder le contenu.

Quand elle lui revint, ce dernier n’eut qu’un mot :

— Chochotte !

Il ressortit la photographie et la contempla. Elle représentait une femme à demi-nue, à la chair drue et pulpeuse. Elle offrait ses cuisses, ses seins, ses épaules, comme autant de tentations.

Il l’avait volée à son frère aîné.